Brevet unitaire : le point à mi-parcours …

On se souvient que le 11 décembre 2012 ont été validés par le Parlement Européen les règlements relatifs à la création d’un brevet européen à effet unitaire.

Concrètement, cela signifie que, dans le mois suivant la délivrance du brevet européen, son titulaire pourra choisir d’étendre ses effets avec peu de formalités, par la voie d’un seul brevet, à l’ensemble des pays participant à la création d’une protection unitaire (voir notre newsletter du 13 mars 2013).

Parallèlement, le 19 février 2013, a été validé l’accord historique créant une juridiction unifiée en matière de brevets. Concrètement, cela signifie qu’une seule juridiction aura compétence exclusive pour juger de la validité et de la contrefaçon du brevet unitaire, ainsi que des brevets européens classiques (voir notre newsletter du 24 avril 2013).

A ce titre, on soulignera la bonne nouvelle pour la France, qui recevra la division centrale de cette juridiction avec son siège à Paris.

Cependant, afin que le brevet unitaire voie le jour, il est nécessaire que cet accord soit ratifié par au moins 13 états, dont l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Or, où en sont les ratifications un an plus tard ?

Actuellement, seule l’Autriche a ratifié cet accord, en date du 7 août 2013, devenant ainsi le premier état membre partie à cet accord, donnant ainsi l’exemple.

La France devrait suivre sous peu, la ratification de l’accord ayant été autorisée par une loi du 24 février 2014. Idem pour Malte qui a autorisé la ratification le 21 janvier 2014.

Les préparatifs à la ratification sont également bien engagés en Belgique et au Royaume-Uni. Au Danemark (tout comme d’ailleurs en Irlande), le processus doit passer par un référendum national qui aura lieu le 25 mai 2014. Les sondages sont a priori favorables …

Reste que tout ceci prendra encore du temps. Les optimistes tablent sur une entrée en vigueur au second semestre de l’année 2015. Les réalistes plutôt sur 2016… Quant aux pessimistes, ils rappellent qu’un recours engagé par l’Espagne est encore susceptible de tout faire capoter.

Il convient en effet de se souvenir que l’Espagne et l’Italie ont refusé de participer à la coopération renforcée dans le domaine de la création du brevet unitaire. Et l’Espagne (ainsi d’ailleurs que la Pologne) n’a pas non plus signé l’accord relatif à la juridiction unifiée, allant même plus loin et engageant une action devant la Cour de Justice contre la décision du Conseil autorisant la coopération renforcée dans le domaine du brevet unitaire.

Rien n’est donc encore joué et les mois à venir seront cruciaux. Mais une telle situation interpelle quant à l’état véritable dans lequel se trouve notre Europe. Car, au-delà des discours positifs de nos politiques, le commissaire au Marché Intérieur français Michel Barnier en tête, se joue en coulisse une bataille autrement plus tendue, dont les enjeux sont essentiellement financiers, en particulier en ce qui concerne le montant de la taxe annuelle qu’il conviendra d’acquitter pour maintenir le brevet unitaire en vigueur. S’il reste inférieur au coût du maintien en vigueur d’un brevet européen validé dans quatre ou cinq pays, ce brevet unitaire deviendra un outil très intéressant pour les PME. Au-dessus de ce seuil, il risque en revanche de n’intéresser que les très grandes entreprises …

Sachant que l’Office Européen des Brevets prélèvera 50 % du montant de cette taxe annuelle et que les 50 % restant seront répartis entre les états membres participants (en théorie au moins 25, voire un jour peut-être 28 …), on peut aisément s’imaginer que les tractations portant sur cette clé de répartition seront âpres.

Et lorsque l’on sait que les discussions sur ce brevet unitaire, autrefois encore dénommé brevet communautaire, durent depuis près de 40 ans (!), on ne peut que souhaiter que les derniers écueils trouvent rapidement une issue, dans un sens comme dans l’autre …

En tout état de cause, et comme le veut la formule consacrée, « nous ne manquerons pas de vous tenir informé du suivi » …, en espérant que cela ne soit pas dans 40 ans, faute de quoi nous n’en serions effectivement encore qu’à peine à mi-parcours, ce qui serait vraiment désespérant !